Depuis 2002, le Québec (Canada) développe une politique d'accountability basée sur les performances - appelée Gestion axée sur les résultats (GAR). Cette politique, inspirée de la Nouvelle Gestion Publique, se déploie à tous les niveaux du système éducatif (ministère, commissions scolaires et établissements) (Dembélé & al., 2013 ; Maroy & al, 2015). Elle met en place des outils de planification, de contractualisation, des cibles de performance et des indicateurs de résultats dont plusieurs sont basés sur les acquis des élèves testés aux examens ministériels. Cette politique d'accountability semble à « enjeux faibles » (Maroy & Voisin, 2013 et 2014). Cependant, nous montrons qu'elle tend à produire plusieurs des dérives et des effets indésirés constatés dans les systèmes d'accountability à enjeux forts (réduction curriculaire, « teaching to the test », triche) (Rozenzwayn & Dumay, 2014).
La GAR a été mise en œuvre de façon pro-active par les Commissions scolaires (CS) en appliquant non seulement les prescriptions légales, mais en mettant en action un ensemble d'outils statistiques et managériaux mais aussi pédagogiques qui permettent un suivi et un accompagnement professionnel des équipes enseignantes et d'effectuer diverses pressions au changement (Maroy & al, 2017). Ces outils ont permis le développement d'une gestion effective des pratiques pédagogiques, gestion qui jusque là était seulement évoquée discursivement par le discours sur le leadership pédagogique. Les gestionnaires appuyés par divers professionnels (analystes, conseillers pédagogiques) visibilisent, évaluent et régulent certaines pratiques pédagogiques des enseignants, car elles sont associées aux cibles de résultat des écoles et aux redditions de compte que l'école ou la CS doit faire sur son efficacité.
Notre présentation insistera sur les conséquences de la GAR sur l'autonomie professionnelle (Freidson, 2001) et les pratiques des enseignants. La GAR tend à réduire la latitude de choix des enseignants en ce qui concerne le contenu des enseignements et les pratiques d'évaluation, alors que les relations et méthodes pédagogiques sont moins touchées. On assiste donc à une tendance à la déprofessionnalisation des enseignants (Demailly et de la Broise, 2009).
Nous analyserons aussi la diversité des réponses faites par les enseignants à ces pressions institutionnelles (Coburn, 2004). Notre analyse montre que les réponses les plus fréquentes sont le rejet et l'accommodation, mais aussi le renoncement à certaines pratiques souhaitées, soit des pratiques « empêchées » par la mise en œuvre de la GAR, un type de réponse qui s'ajoute donc à la typologie de Coburn.
Basée sur un cadrage théorique pluriel (sociologie de l'action publique et des groupes professionnels, néo-institutionnalisme), cette étude qualitative a porté sur 4 CS (61 interviews et analyse documentaire). Au niveau des établissements, elle se base sur des entretiens auprès d'enseignants (N = 21) et de membres des équipes de direction (n=8) de quatre établissements secondaires.
Cette analyse peut être pertinente à considérer à l'heure où en FWB se met en oeuvre le volet "gouvernance" du Pacte d'excellence et les plans de pilotage.